L’enquête sur l’homme vivant est aussi une enquête de l’homme vivant. Puisque, malgré sa posture en rupture épistémologique, le chercheur reste un être vivant, son expérience (corporelle, axiologique) n’est ni indifférente ni seulement négative vis-à-vis de son travail théorique toujours ancré dans une certaine pratique. Si la vie organique est toujours déjà vie de relation – avec l’interaction entre un vivant et son milieu –, comment les relations humaines, les valeurs humaines et la recherche humaine (théorique, scientifique) se détachent à partir de cette vitalité originaire, et comment en gardent-elles l’énergie et la sensibilité ?
Plus particulièrement, que se passe-t-il lorsque le chercheur, en son laboratoire, analyse dans un organisme ce qui simultanément se passe en lui quand il se penche sur son travail ?1 Pourra-t-il – sous prétexte d’objectivité rejetant le vécu subjectif comme une illusion – se vivre lui-même comme un organisme qui ne serait que le lieu d’influences extérieurs et de mécanismes fonctionnels ? Et s’il ne le pouvait pas, qu’est-ce que cela dirait de la réduction qu’il opère en étudiant son objet ?
HERT, Philippe, « Comment le terrain nous dit le savoir commun : pour une prise en compte de l’expérience sensible dans la recherche de terrain », in Questions de communication (2011, à paraître)