Lundi 18 octobre, de 17h à 19h, en R-320 (ENS de Lyon, site Descartes)
Tout le monde sait lever le bras, dirait Wittgenstein, mais personne ne sait comment il le fait – même ceux qui savent comment cela fonctionne.
Biologie et physiologie expliquent le fonctionnement du corps humain de façon objective : la machine a sa logique, c’est-à-dire que toutes ses fonctions – de “la vie organique” à “la vie de relations” – ont des causes et des effets déterminés. Entre 8 et 18 mois, un enfant apprend, par l’imitation et la pratique, à utiliser ses membres pour se déplacer en marchant ; s’il pratique plus tard la randonnée de haute montagne, un entraînement exigeant corrigera ses mauvaises habitudes pour lui (ré-)apprendre à marcher (“vraiment”) ; et s’il devient danseur, son travail créatif va littéralement réinventer la marche en une variété infinie de pas.
Est-il encore une machine, ce corps qui n’a ni finalité programmée (comme laver le linge pour une machine à laver) ni fonctionnement naturel univoque (comme la météo, à une échelle statistique) ? Et quand il s’agit de l’expliquer pour dire finalement “ce que c’est”, doit-on relativiser toutes ses fonctions à nos usages ?
Le thème de la séance était de réfléchir ensemble sur ce qu’implique concrètement le fait de considérer le corps (le sien, celui de l’autre) comme une machine. Plus précisément : comment comment vit-on son corps, comment manipule-t-on celui de l’autre, lorsque l’on conçoit leur fonctionnement comme une mécanique plus ou moins bien huilée ?
Pour débattre au mieux de cette question, on s’est proposé de confronter différents points de vue (un petit peu stéréotypés) associés à chaque fois à une certaine pratique de l’homme vivant :
La forme adoptée, pour permettre de comparer les perspectives, était une sorte de jeu de rôles (parodiant le jeu Decide) où chacun pouvait exprimer un point de vue qui n’était pas le sien mais qu’il se mettait au défi d’envisager, de « tester ».
La leçon sans doute la plus importante de cette discussion a en quelque sorte pris la forme d’un retournement : l’assimilation (métaphorique ou littérale) du corps à une machine - que l’on pensait être réductrice - a en fait été revendiquée comme une possibilité de vie, et d’épanouissement inédit de la vie. Notre fascination pour la machine ne calquerait pas seulement un mode d’intelligibilité trop simpliste sur la normativité organique de la vie en santé : le désir de devenir machine trahirait encore plus notre effort multiforme pour nous dépasser, pour mieux nous adapter et adapter le monde à nos fonctionnement propres - comme pour rendre notre débat avec lui plus « interactif ».
Un retour sur cette séance peut être consulté sur le Carnet de recherches.